Par Twitter dimanche 29 Octobre 2023, Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi constitutionnelle inscrivant dans la Constitution «la liberté des femmes de recourir à l’IVG». Il s’agirait d’ajouter à l’article 34 de la Constitution que «la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse». Dans la Constitution, dont le rôle est de doter notre pays d’institutions, l’avortement arriverait comme un cheveu sur la soupe.
Une telle modification constitutionnelle aurait une grave conséquence : elle aurait pour effet direct de menacer la liberté de conscience du personnel médical. En effet, en engageant l’État à garantir l’accès à l’IVG, elle fait obligation au législateur et à l’administration de supprimer les obstacles faisant entrave à l’IVG. Or, l’objection de conscience est présentée, par les promoteurs de l’avortement, comme le principal de ces obstacles en France. Une fois reconnu le droit constitutionnel à l’accès effectif à l’IVG, que deviendrait la clause de conscience ? Le Conseil constitutionnel sera amené au moins à restreindre son exercice, sinon à la supprimer.
De même, la liberté d’expression sur l’IVG est en danger. Elle était déjà fortement attaquée par le délit d’entrave à l’IVG, étendu en 2014. «Consacrer» l’IVG dans la Constitution en ferait une valeur, un «dogme» qui la place au-dessus du doute et de la discussion démocratique. Critiquer l’avortement reviendrait alors à s’opposer à une valeur de la République. La liberté de débattre sur l’IVG s’en trouverait considérablement réduite. C’est d’ailleurs l’objectif affiché de M. Macron: faire de l’accès à l’IVG une liberté «irréversible».
La majorité présidentielle affirme que la France serait le premier pays à constitutionnaliser ainsi l’IVG. C’est faux. Il existe au moins deux précédents. En 1974, dans la Yougoslavie socialiste de Tito, l’IVG a été ajoutée comme un «droit» dans la Constitution. Après la dislocation de la Yougoslavie, les pays qui la composaient ont supprimé ou modifié ce droit constitutionnel. Un an auparavant, en 1973, la jurisprudence Roe vs. Wade a créé une liberté constitutionnelle d’avorter aux États-Unis. Cette liberté a été supprimée en 2022, par la décision Dobbs vs. Jackson de la Cour suprême.
Ainsi, les précédentes constitutionnalisations de l’IVG n’ont pas été «irréversibles». Comme toute norme juridique, les Constitutions et les jurisprudences constitutionnelles peuvent devenir obsolètes. Cela a bien sûr été le cas en Yougoslavie avec la fin du socialisme, mais également pour Roe vs. Wade en raison de progrès scientifiques.
Si «la liberté de recourir à l’IVG» sera toujours «réversible», c’est parce qu’elle est fondée sur un mensonge. La réalité sociale montre que l’avortement n’est pas une liberté. Le plus souvent, l’avortement est subi, et non choisi. En effet, selon l’Institut Guttmacher, 75% des femmes qui ont eu recours à l’avortement indiquent y avoir été poussées par des contraintes sociales ou économiques. La même femme placée dans des circonstances plus favorables n’aurait pas recours à l’avortement. Ce sont ces circonstances, ces contraintes sociales ou économiques qui déterminent la décision d’avorter.
Les statistiques démontrent le déterminisme social de l’avortement : plus une femme est pauvre et isolée, plus elle a de risques de subir un avortement et d’en souffrir psychiquement. Les femmes seules ont un risque supérieur de 37% à celui des femmes en couple de subir un avortement. De même, les femmes faisant partie des 10% les plus pauvres ont un risque supérieur de 40% de subir un avortement par rapport aux 10% les plus riches, à groupe d’âge et situations conjugales identiques (selon la DREES).
Comment Emmanuel Macron en est-il arrivé à un tel projet d’insérer l’IVG dans la Constitution? Il dit avoir travaillé avec des parlementaires: il a en effet repris des propositions de loi d’extrême-gauche, en particulier celle de Mathilde Panot (La France insoumise). Il affirme également avoir consulté des associations, comme le Planning familial. Pourtant, celui-ci est loin d’être la référence en matière de «liberté» d’avorter, ce dont de nombreux témoignages attestent.
Dans un reportage récent, diffusé à la télévision, Charlène (37 ans) témoigne sur l’IVG subie dans sa jeunesse : son compagnon voulait qu’elle avorte et l’a emmenée au Planning familial. Charlène raconte, concernant la représentante du Planning familial : «elle est allée dans le sens de mon compagnon de l’époque. Quand je lui parlais de mon bébé, elle disait «ce n’est pas un bébé» (…) Je lui disais que je ne voulais pas avorter, elle a répondu «on va prendre un rendez-vous quand même avec l’anesthésiste, puis avec le gynécologue» (…) J’ai avancé comme sur un tapis roulant (…), on ne m’a jamais parlé de solutions alternatives, d’aides financières, d’associations d’aide aux jeunes mamans en difficulté (…). J’ai l’impression que mon consentement a été extorqué. Je m’en veux (…) de ne pas avoir défendu mon bébé».
Charlène souffre d’avoir été si mal prise en charge par le Planning familial. Emmanuel Macron aurait mieux fait d’écouter au contraire les associations qui aident les femmes à «défendre leur bébé». C’est la voix de ces femmes et de ces bébés que l’ECLJ veut porter au niveau institutionnel et médiatique. Il est temps de cesser de l’ignorer.
ECLJ: Centre européen pour le droit et la justice.
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